Comme vous, comme tout le
monde, je fais mes courses au supermarché. Cet après-midi, caddie en marche, je
rentre dans ma grande surface habituelle pour m’acquitter de la corvée
hebdomadaire. A l’entrée, un panneau m’interpelle. On y voit un canard sur fond
rose, et une mention expliquant l’ouverture d’un rayon « coquins »
avec la mention « derrière-le-rayon-électroménager ». Ca me fait
sourire, et puis je prends le temps de la réflexion.
J’aurais pu aller visiter ce
rayon coquins. Je sais d’avance ce que je peux y trouver. Quelques sextoys, de
la lingerie extravagante, des gels de massage… J’aurais pu me risquer à y
passer quelques instants, comme les mères de famille, mes voisins, d’autres
parents d’élèves de la région.
J’aurais pu fantasmer sur un
commercial croisé au boulot, sur une secrétaire chez un client. Imaginer un
échange interdit de mails, de sms. Aller boire un verre un soir, finir sur un
acte rapide, volé.
J’aurais pu me connecter sur
un site de rencontres officiellement « bien sous tous rapports »,
mais dont on sait qu’on y vient, aussi, pour trouver une relation ponctuelle,
charnelle, sans lendemain. Je sais de quoi je parle, je l’ai fait en son temps.
J’aurais pu fantasmer, pour
ne pas dire avoir des sensations physiques, oui, mouiller, me caresser, en
lisant « 50 nuances… ». J’aurais pu fermer les yeux et imaginer qu’un
héros m’embarque vers l’inconnu. Mais ne pas aller plus loin, parce que je suis
une femme mariée, une mère de famille.
J’aurais pu écouter les
conversations des autres dans les transports, lire des compte-rendus sur des
forums, suivre les aventures dans les tweets de ceux qui disent jouer avec le
feu.
Mais je ne prendrai pas de
risque ridicule à aller trainer dans un rayon de supermarché à regarder un
canard entre une machine à laver et des barils de lessive en promo. Je ne
chercherai à répondre au regard d’un inconnu improbable demain au travail ou à
la sortie de l’école en allant chercher mes enfants, ni ne perdrai de temps sur
des sites « pour célibataires exigeants » avec un pseudo équivoque.
J’ai franchi le pas il y a
longtemps. Je suis infidèle, au sens le plus exquis qui soit. Je suis une mère
de famille exemplaire, une épouse modèle. Mais j’ai aussi un partenaire exceptionnel.
Je le vois peu, toujours en ayant préparé nos rendez-vous comme deux agents
secrets. Il m’emmène dans des lieux de débauche inavouables : des hôtels
de luxe en pleine journée, les meilleurs clubs libertins de Paris la nuit. Il
connaît ceux qui organisent des soirées privées, qui eux-mêmes nous invitent
pour d’autres aventures à l’autre bout de la France : des villas privées
sur la Côte d’Azur où se rejoignent une dizaine de couples triés sur le volet,
des soirées de débauche au Cap d’Agde, où tout est permis… Dans ces moments-là,
je porte la plus belle lingerie, et parfois seulement ça, enfin, sans oublier
mes talons. 12 cm minimum, 15, 16 cm parfois. Personne ne me juge, les autres
femmes présentes sont elles aussi parées d’atouts les plus incroyables. Les
hommes portent le costume, la chemise stricte, les chaussures cirées. Tout le
monde se respecte et donne libre cours à ses fantasmes.
Bien sûr, ce n’est pas
simple, il faut ruser pour avoir cette double vie, être attentif en permanence
pour ne pas laisser de trace, ne pas risquer qu’on découvre qui est
« Mademoiselle ». Mais si vous saviez comme ces risques s’effacent
devant le plaisir ainsi obtenu. Plus qu’une drogue, c’est ma vraie vie !